Depuis le rachat d'ATI par AMD, de nombreuses rumeurs faisaient état d'un intérêt soudain d'Intel pour le monde des cartes graphiques 3D, où Intel n'est présent que sur l'entrée de gamme, avec ces chipsets à puce graphique intégrée. Il est bien évident que voir son principal concurrent entrer sur ce marché via le rachat d'un des leaders à dû échauffer les esprits chez Intel, et leur donner une profonde volonté de riposter sur ce marché très actif et porteur en termes d'image.
Très vite, les annonces publiées sur le site d'Intel dans la section recrutement ont confirmé ces rumeurs, le fondeur ayant lancé une vague de recrutement d'architectes spécialisés dans le monde des cartes graphiques après avoir racheté Imagination, la société propriétaire de la technologie 3D PowerVR bien connue des joueurs aux tout début des accélérateurs 3D. Toutefois, le doute planait quand à la capacité du géant du CPU à débarquer sur le marché des cartes graphiques sans essuyer un échec dû à son manque d'expérience dans le domaine. Un tel scénario aurait bien entendu eu l'effet contraire à celui escompté par Intel en termes d'image.
Par la suite, une autre rumeur a commencé à courir : pour contrer le couple AMD-ATI, Intel lorgnerait tout simplement sur le seul vrai concurrent d'ATI, nVidia. Cette rumeur a été longtemps démentie par le Jen-Hsun Huan, le PDG de la firme au caméléon, qui disait vouloir garder son indépendance. Aujourd'hui, cela ne fait plus aucun doute, cette rumeur est vérifiée, les deux sociétés ayant annoncée ce matin leur fusion officielle. Il ne reste plus qu'à attendre que les actionnaires d'nVidia acceptent la transaction, ce qui ne fait quasiment aucun doute dans les conditions de rachat offertes par Intel sont intéressantes. Le fondeur offrirait en effet près de 45$ par action, alors que le cours actuel oscille entre 25 et 30$. Le montant total de la transaction s'élèverait donc à plus de 10 milliards de dollars, soit le double du prix payé par AMD pour s'offrir ATI.
Il est par contre encore trop tôt pour connaître précisément les conséquences de ce rachat sur le marché. Intel deviendrait quasiment sans concurrence sur le marché des chipsets destinés à ses processeurs, et pourrait, avec les chipsets nVidia d'un côté et ses propres chipsets de l'autre côté être le premier fondeur à disposer d'une gamme de chipsets supportant le Crossfire et le SLI (pour peur qu'Intel n'abandonne pas le support du Crossfire, concurrent de sa technologie SLI). Du côté d'AMD par contre, ce rachat est une terrible nouvelle. En effet, les chipsets nVidia sont sans conteste les meilleurs chipsets actuels pour la plateforme AMD, et le fondeur serait donc durement touché si Intel décidait de stopper la production des chipsets nForce pour plateformes Athlon 64. AMD va donc devoir redoubler d'efforts pour réaliser une gamme de chipsets complets et performants pour ses processeurs. Enfin, du côté des cartes graphiques, on peut craindre d'avoir de moins en moins de choix, avec une marque de carte graphique de plus en plus liées à la marque du processeur, même si ce scénario reste relativement pessimiste, chacun des deux fondeurs ayant tout intérêt à continuer à vendre des cartes graphiques pouvant fonctionner sur les plateformes du concurrent. Pour Apple par contre, les nouvelles sont probablement meilleures, puisque la marque à la Pomme pourra désormais faire appel à un fournisseur unique pour le processeur, le chipset, la solution réseau, la carte graphique... bref, des Mac quasiment tout-Intel, avec tous les avantages que cela implique en termes de stabilité et de coût de revient.
D'un point de vue plus social, de nombreuses questions restent également en suspens. Tout d'abord, il semble évident que des licenciements auront lieu chez nVidia et Intel pour optimiser
les ressources humaines. Par ailleurs, de nombreuses autres entreprises risquent d'être touchées plus ou moins durement. Nous pensons notamment au fondeur TSMC, qui fabrique les GPU GeForce pour le compte de nVidia. En effet, nVidia pouvant désormais bénéficier des unités de production d'Intel, la firme devrait à l'avenir pouvoir se passer d'une bonne part de ses sous-traitants.
Enfin, il reste à voir jusqu'à quel point la synergie se fera entre les deux sociétés : s'oriente-t-on plutôt vers une marque unique (probablement Intel) vendant à la fois les cartes graphiques et les processeurs, où plutôt vers une situation inchangée, à savoir deux marques bien distinctes sur le marché, mais toutes deux rattachées à la même maison mère ? L'avenir nous le dira, mais il faudra attendre que l'effet de bombe provoqué par ce rachat s'estompe afin d'avoir une vision plus claire sur les intentions futures d'Intel et nVidia.