La Question Technique 3 : FTTH, FFTLA, DSL, c’est quoi toutes ces technos ?

La Question Technique 3 : FTTH, FFTLA, DSL, c'est quoi toutes ces technos ?

Cette semaine, dans « La question technique », il est question de technologies d’accès à Internet. Faisons le point sur chaque solution, pour y voir plus clair.

Au commencement était la paire de cuivre…

RTC
Créé initialement pour véhiculer la voix sur très longue distance, le réseau téléphonique commuté, dont le déploiement a débuté dès la fin du XIXème siècle, a été utilisé à partir de la fin des années 1950 pour transmettre des données, à des débits qui sont progressivement passés de quelques dizaines de bits par seconde à quelques dizaines de kilobits par seconde.

Pour ce faire, les modems encodaient les données numériques dans un signal analogique dans la plage des fréquences vocales, puisque les réseaux téléphoniques étaient conçus pour ces fréquences. À l’heure de gloire des modems RTC, les débits maximaux étaient de 33.6 Kbit/s entre deux modems analogiques et 56 Kbit/s entre un modem numérique et un modem analogique (le cœur de réseau des opérateurs étant passés au numérique, la double conversion analogique/numérique puis numérique/analogique introduisait du bruit, limitant le débit… la connexion des FAI en numérique permettait donc de supprimer une étape de conversion et de remonter les débits).

DSL
Pour fournir des accès Internet à plus haut débit à moindre coût, en réutilisant le réseau existant, diverses technologies ont été développées et regroupées sous l’appellation DSL. Elles ont en commun le fait d’utiliser des fréquences de transmission bien plus élevées pour pouvoir offrir plus de débit. Et c’est là que les ennuis commencent…

ADSL

En effet, alors que les fréquences vocales pouvaient être véhiculées sur plusieurs centaines de kilomètres, même du temps des cœurs de réseau analogique, il n’en est pas de même des fréquences utilisées par les normes DSL les plus rapides. C’est un phénomène physique appelé « effet de peau » qui en est la cause : quand un signal alternatif circule dans un conducteur électrique, il a tendance à ne circuler que dans une couche sur le périmètre du conducteur. Plus la fréquence est élevée, plus cette couche s’affine. Il en résulte que la résistance électrique augmente avec la fréquence, et donc, que les signaux à haute fréquence s’affaiblissent plus rapidement au fil de la distance : l’affaiblissement est proportionnel à la racine carrée de la fréquence.

Pour l’ADSL2+, par exemple, la fréquence des signaux monte jusqu’à 2.2 MHz, tandis qu’en VDSL2 elle peut atteindre jusqu’à 30 MHz. L’affaiblissement sur les fréquences VDSL2 les plus hautes est donc près de quatre fois plus élevé que sur les fréquences ADSL2+ les plus hautes. Ceci explique pourquoi le VDLS2 n’apporte plus de bénéfice par rapport à l’ADSL2+ (et de même, encore un peu plus loin, pourquoi l’ADSL2+ perd son avantage sur l’ADSL, qui se limite à 1.1 MHz) : l’affaiblissement des plus hautes fréquences devient trop élevé, seules les plus basses restent exploitables.

Ces problèmes d’affaiblissement se combinent de plus au problème du bruit qui affecte les lignes. En effet, les lignes téléphoniques sont sensibles aux ondes électromagnétiques (y compris éventuellement celles produites par la ligne d’à côté dans un fourreau de plusieurs lignes…) qui induisent dans le câble des signaux parasites, qui rendent plus difficile la mesure précise du signal DSL.

G.fast
Encore en cours de développement, la norme G.fast pousse encore plus haut la fréquence sur la bonne vieille paire de cuivre, en pouvant monter jusqu’à 212 MHz. De quoi promettre jusqu’à 1 Gbit/s (d’où le nom) en cumulant upload et download (avec une répartition pouvant aller de 10/90 à 90/10), mais avec une portée encore plus limitée : moins de 100 mètres pour atteindre 1 Gbit/s et « seulement » 150 Mbit/s au bout de 250m…

… puis Bell inventa le coaxial…

Bien avant l’arrivée d’Internet, le besoin de véhiculer des signaux à haute fréquence s’est fait ressentir dans le domaine de la radio et de la télévision. Dans ces domaines, il n’est en effet pas rare de travailler avec des signaux à plusieurs dizaines ou centaines de MHz, pour disposer de canaux suffisamment larges pour accueillir les gros volumes de données à transmettre. Par exemple, les premiers signaux de télévision en France utilisaient une bande de 4 MHz de large autour d’une porteuses à un peu plus de 40 MHz.

Il fallait donc disposer de câbles capables de véhiculer ces signaux tout en gardant un rapport signal/bruit suffisamment élevé pour que le signal reste exploitable. C’est ainsi qu’est né aux États-Unis le câble coaxial moderne, inventé aux Bell Labs (oui, comme les transistors). Plutôt que d’utiliser deux simples fils de cuivre, un câble coaxial contient un conducteur central, porteur du signal, entouré d’une gaine d’isolant et d’un second conducteur tressé tout autour de cet isolant. Ce second conducteur fait office de blindage, en protégeant le câble des perturbations électromagnétiques extérieures, et, inversement, en isolant les émissions électromagnétiques du câble à l’intérieur de sa gaine.

Outre les cœurs des réseaux téléphoniques, le câble coaxial a été utilisé pour le déploiement des premiers vrais réseaux haut débit : les réseaux de télévisions câblés, qui amènent la télévision et la radio dans des dizaines de millions de foyers via des câbles coaxiaux. Les performances des câbles coaxiaux étant insuffisantes sur longue distance, ces réseaux câblés sont toutefois généralement dotés de plusieurs amplificateurs entre la source et l’abonné, contrairement aux réseaux téléphoniques. Notez-le bien, ce point aura son importance plus tard…

Tout naturellement, avec l’arrivée d’Internet, les opérateurs de ces réseaux câblés ont développé des protocoles permettant de véhiculer Internet sur leurs réseaux, qui sont ainsi devenus les premiers réseaux Internet haut débit, avant même l’arrivée des normes DSL.

… et la lumière fut !

Face aux besoins grandissants du secteur des télécommunications, les transmissions par câble coaxial ont vite montré leurs limites (bien avant que le grand public entendre parler d’Internet) et, dès les années 70, les cœurs de réseaux ont commencé à exploiter un nouveau mode de transmission : la fibre optique. Fini le signal électrique, place à la lumière.

Câbles de fibre optique pour communications à très haut débit

Une fibre optique est constituée de deux matériaux d’indices de réfraction différents : un fin fil central (le cœur, moins de 10µm pour les plus fins) entouré d’une gaine. L’indice de réfraction du cœur est légèrement plus élevé que celui de la gaine (la lumière y circule légèrement plus vite), ce qui a pour conséquence que le signal lumineux qui se déplace dans le cœur rebondit lorsqu’il arrive sur la gaine, et peut ainsi rester confiné dans le cœur et s’y propager pendant des kilomètres avec un affaiblissement très faible. Les meilleures fibres optiques ont un affaiblissement de moins de 0.15db/km tout en offrant des bandes passantes de plusieurs GHz de large… À comparer avec plusieurs dizaines de dB par km et 2 MHz de large pour une paire de cuivre exploitée en ADSL2+ !

Et les FTTx dans tout ça ?

Maintenant qu’on connait le cuivre et la fibre, il n’y a plus qu’à voir ou s’arrête la fibre et ou commence le cuivre pour comprendre à quoi correspondent les différents acronymes en FTTx.

Dans un monde idéal, les opérateurs raccorderaient tout le monde directement en fibre optique, et on ne se poseraient pas de questions… Mais déployer un réseau en fibre optique coûte cher, et dans bon nombre de cas les opérateurs préfèrent donc simplement rapprocher la fibre de l’abonné, plutôt que de lui amener directement, le reste du chemin empruntant le réseau existant. Il existe ainsi de nombreuses configurations de type FTTx où le x indique l’endroit où s’arrête la fibre. Pour simplifier, on ne parlera que de celles choisies pour les déploiements en France…

FTTLA – Fiber To The Last Amplifier
Un peu plus haut, vous avez vu que les réseaux câblés sont constitués de plusieurs amplificateurs rehaussant régulièrement le signal pour qu’il arrive convenablement jusqu’à l’abonné.

En FTTLA, cette cascade d’amplificateurs est éliminée : seul le dernier amplificateur est conservé (le premier en partant de la prise abonné) et il est raccordé en fibre optique au cœur de réseau. Dans cette configuration, la bande passante dont dispose individuellement chaque abonné reste la même, mais la bande passante en entrée de l’amplificateur (partagée entre tous les abonnés) devient plus élevée, ce qui réduit les goulets d’étranglement et permet de débrider les lignes des abonnés.

C’est la technologie adoptée par Numéricable, qui peut ainsi faire évoluer sur réseau câble vers le très haut débit.

On retrouve également une technologie similaire à la FTTLA, pour les déploiements ADSL et VDSL avec l’installation de nœuds de raccordement DSL dans certains sous-répartiteurs, au lieu de ne les placer que dans les centraux téléphoniques. Les DSLAM se retrouvent ainsi plus près de l’abonné, ce qui permet un meilleur débit. Commercialement, ces offres restent toutefois qualifiées d’ADSL/VDSL, et non de FTTx.

FTTB – Fiber To The Building
La FTTB consiste à apporter la fibre optique jusqu’au pied de chaque immeuble. Un équipement actif (par exemple un DSLAM VDSL2) installé dans l’immeuble se charge ensuite de produire un signal compatible avec l’un des réseaux cuivre existant dans l’immeuble.

En pratique, cette solution est rarement utilisée : seul Orange peut déployer la FTTB en utilisant le réseau téléphonique, mais il lui préfère la FTTH, tandis que pour une terminaison câblée, la FTTB n’apporte pas suffisamment de gain par rapport à la FTTLA.

FTTDP – Fiber To The Distribution point
En rallongeant encore un peu la fibre, on passe à la FTTDP. Cette fois, la fibre arrive jusqu’au palier, et il ne reste donc plus que quelques mètres à parcourir en cuivre.

Économiquement, cette solution a peu d’intérêt, les quelques mètres de fibre et les quelques heures de main d’œuvre économisés sont contrebalancés par la nécessité d’ajouter un équipement actif pour le raccordement au cuivre. Mais l’ARCEP a tout de même lancé une consultation publique pour étudier l’intérêt de la FTTDP en France, principalement pour accélérer les déploiements : il n’est plus nécessaire d’intervenir dans les logements, ce qui permet donc de se passer de l’accord du propriétaire et d’une prise de rendez-vous avec l’occupant.

Bouygues Télécom s’est montré intéressé par cette solution, qui pourrait permettre d’excellentes performances en la combinant avec G.fast.

FTTH – Fibre To The Home
La fibre, la vraie ! La FTTH signe l’arrêt de mort du cuivre : la fibre arrive jusqu’à la prise murale de l’abonné. C’est la solution privilégiée par Bouygues Télécom (qui fait aussi du FTTLA en utilisant le réseau de Numéricable), Free, Orange et SFR. Mais toutes les FTTH ne se valent pas, sinon ce serait trop simple… En France, la FTTH est déployée principalement de deux façons différentes : GPON et P2P

Topologie des réseaux fibre optique

FTTH GPON
En GPON (Gigabit Passive Optical Network), une seule fibre part du NRO (nœud de raccordement optique) pour plusieurs abonnés puis le signal est dupliqué à plusieurs reprises via des petits boîtiers passifs (d’où le nom de la technologie) jusqu’à avoir une fibre par abonné. Cette solution est possible grâce au faible affaiblissement de la fibre optique, qui permet de diviser le signal plusieurs fois tout en gardant une intensité suffisante.

Tous les abonnés qui sont sur un même arbre reçoivent donc le même flux de données, et c’est l’équipement terminal (ONT) qui se charge d’isoler les données qui lui sont destinées (un chiffrement AES « garanti » que chaque ONT ne pourra exploiter que les données qui lui sont destinées)…

Avec les normes actuelles, chaque arbre GPON peut disposer d’une bande passante maximale de 2.4 Gbit/s partagée entre un maximum de 128 abonnés (à qui on vend des accès 100 Mbit/s, 300 Mbit/s, et même 1 Gbit/s…).

C’est le mode de déploiement utilisé par Bouygues Télécom, Orange et SFR.

FTTH P2P
En P2P (Point-to-point, et non peer-to-peer), une fibre dédiée est tirée du NRO jusqu’à chaque prise murale. Le débit entre le NRO et l’abonné pourra donc être augmenté à moindre coût dans les années à venir, puisqu’il « suffira » d’augmenter la capacité d’interconnexion entre le NRO et le réseau.

Free est le seul opérateur national à avoir choisi cette solution, qui est bien plus coûteuse à mettre en œuvre. Elle est également utilisée par certains petits opérateurs locaux et par des opérateurs spécialisés pour entreprises.

La mutualisation

(Si vous ne résidez pas en France, vous pouvez arrêter votre lecture et reprendre une activité normale… *sifflote* )

Afin d’éviter qu’un opérateur obtienne un monopôle local en étant le plus rapide à déployer son réseau fibre et pour éviter que plusieurs opérateurs ne déploient leur réseau FTTH au même endroit tout en en délaissant d’autres, l’ARCEP a imposé la mutualisation. Dès lors qu’un opérateur a fibré un immeuble en FTTH, il a l’exclusivité physique sur cet immeuble mais doit proposer l’accès à la fibre verticale (du pied de l’immeuble jusqu’à la prise murale) aux autres opérateurs.

Mutualisation de la fibre optique

Les conditions de mutualisation varient par contre d’un endroit à un autre et, pour ne rien arranger, certains immeubles fibrés avant l’établissement de ces règles n’ont pas d’obligation de se mettre en conformité, tandis que le découpage géographique de la France par l’ARCEP est parfois révisé, provoquant une modification des règles de mutualisation dans les zones concernées…

Le cas le plus général, qui concerne près de 28 millions de logement en France est celui des « zones moins denses », c’est-à-dire toute la France à l’exception d’un peu plus de 100 communes des forte densité, la plupart situées en région parisienne. Dans ce cas, l’opérateur pose une fibre « verticale » (qui en pratique parcourt souvent plus de distance horizontalement que verticalement) de chaque logement jusqu’à un point de mutualisation de zone, qui peut desservir jusqu’à 1000 lignes. Voilà pour le cas simple…

En zones très denses, l’ARCEP les points de mutualisation couvrent cette fois moins de logements, avec un point de mutualisation de rue pour 100 lignes lorsque les immeubles font moins de 12 logements et ne sont pas raccordés à un réseau d’égout visitable (1.5 million de logements concernés).

Pour les immeubles de plus de 12 logements ou raccordés à un réseau d’égout visitable (3.2 millions de logements), il y a directement un point de mutualisation dédié à l’immeuble, installé dans les parties communes, et cette fois le raccordement des logements doit se faire en multi-fibre : chaque logement est relié au PMI via quatre fibres indépendantes (ce qui permettra en théorie à l’occupant de souscrire un abonnement TV chez un opérateur et un abonnement Internet chez un autre…).

Enfin, au sein des zones très denses l’ARCEP a défini des poches de basse densité, où la mutualisation se fera par groupes de 300 lignes.

Malheureusement, tout cela reste très théorique, et en pratique la mutualisation est encore loin d’être une réalité… En effet, pour profiter de la mutualisation un opérateur doit engager des frais pour amener ses fibres jusqu’au point de mutualisation, tout en n’étant pas sûr du retour sur investissement : l’opérateur dispose d’une exclusivité temporaire sur sa boucle locale, qui lui permet de capter la plupart des clients intéressés par la fibre… Les opérateurs ont donc pour l’instant plutôt tendance à privilégier le déploiement de nouveaux immeubles plutôt que l’utilisation des réseaux concurrents.

Article publié initialement sur PCWorld

5 réflexions sur « La Question Technique 3 : FTTH, FFTLA, DSL, c’est quoi toutes ces technos ? »

  1. Exact, excellent article de synthèse des différentes techno existantes. Dommage qu’il n’y ait pas plus de réactions car le travail de recherche rédactionnel n’a pas dû se faire en une heure.
    Faut se manifester quand ça plaît, sinon faudra pas se plaindre de n’avoir que des news tirées de communiqués de presse (je grossis le trait et ne vise pas PCWorld en particulier, hein 😉 ).

  2. Assez bonne vulgarisation.
    Une seule coquille : l’extrait « chaque logement est relié au PMI via quatre fibres indépendantes » est incorrect.
    …Car malheureusement ça n’est pas 4, c’est « ça dépend des cas » : parfois 1, parfois 2, parfois 4.

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