Un peu plus de 15 ans (c’était le 6 juin 2005) après l’annonce de la transition des processeurs Power PC vers les processeurs x86, Apple vient d’annoncer un nouveau changement d’architecture pour les Mac, annoncé depuis longtemps par les rumeurs : les futurs Mac utiliseront désormais des processeurs à architecture ARM, conçus par Apple, comme les iPhone et les iPad.
Avec cette transition, la troisième dans l’histoire d’Apple, c’est une page majeure de l’histoire du Mac qui se tourne. Le passage aux processeurs x86 avait en effet sans aucun doute contribué au renouveau du Mac pendant les quinze dernières années, notamment en faisant des Mac des machines « idéales » pour les développeurs, capables de faire tourner indifféremment les trois systèmes d’exploitation majeurs, macOS bien sûr, mais aussi Windows et quasiment toutes les distributions Linux, le tout avec un bond de performances majeur par rapport aux anciennes machines, dont les CPU PowerPC étaient à bout de souffle.
Cette nouvelle transition me laisse personnellement bien plus circonspect, moi qui ai abandonné le Mac il y a quelques années déjà, déçu de l’orientation prise par Apple, vers toujours plus de fermeture. Clairement, ces nouvelles machines vont en quelques sorte exacerber les qualités et les défauts des Mac actuels. L’intégration poussée, puisque les Mac vont désormais être doté d’un SoC avec CPU et GPU intégrés, va sans doute permettre d’améliorer encore la compacité et l’optimisation de la consommation, pour maximiser l’autonomie des machines portables. La maitrise totale du matériel par Apple, qui va donc désormais développer le processeur, la puce graphique, le circuit audio, le contrôleur de stockage, le circuit d’acquisition vidéo, les circuits d’encodage/décodage vidéo, pourrait aider également la firme d’optimiser au mieux la couche logicielle, en ne dépendant plus de tiers. Apple devient ainsi indépendante d’Intel, mais aussi d’AMD et nVidia notamment.
Mais ce sera au prix d’une fermeture elle aussi encore plus poussée. Sur le plan matériel, on peut s’attendre à ce qu’il n’y ait vraiment plus aucun composant modifiable sur une large partie de la gamme. Et il ne faudra bien entendu plus compter sur les hackintosh pour compenser ça… Sur le plan logiciel, là encore, on s’oriente vraisemblablement vers un macOS de plus en plus restrictif, avec la convergence progressive entre iOS et macOS. La nouvelle version de macOS acte d’ailleurs cette convergence sur le plan de la présentation, toujours plus proche de celle d’iOS, et il sera désormais possible d’exécuter des applications iOS sur les Mac ARM. S’il n’est pas prévu pour l’instant de bloquer les applications ne provenant pas du Mac App Store, on peut toutefois s’attendre à ce qu’Apple pousse toujours plus vers cette solution. Et bien sûr, ce passage aux puces ARM marque la fin de la possibilité d’exécuter nativement Windows et sa large logithèque sur Mac.
Pour faciliter la transition, Apple va intégrer à macOS un module Rosetta 2 qui assurera la traduction des applications Mac x86 en applications Mac ARM, tandis que la nouvelle version de Xcode permettra de compiler des « fat binaries » compatibles avec les deux architectures. Des solutions qui avaient déjà été mises en place lors de la transition précédente, la facilitant grandement.
Apple a aussi pensé aux adeptes de Linux, et proposera nativement des outils permettant de faciliter la virtualisation de distributions Linux ARM sous macOS. Rien n’a été dit par contre à propos de Windows. Bien que celui ci soit disponible en version ARM depuis quelques années, cette version n’a jusqu’à présent été distribuées que via préinstallation sur des machines, et il y a donc peu de chances de voir à court terme une version Mac de Windows 10 ARM. Sa disponibilité éventuelle dépendra sans doute du succès de ces nouveaux Mac.
Car c’est bien là la grosse inconnue (au delà des performances, passées sous silence pour l’instant, mais qu’il est peu pertinent d’évoquer à un an de la sortie des premières machines), sur laquelle j’aurais bien du mal à me prononcer aujourd’hui : quel va être l’accueil pour ces machines auprès des clients d’Apple ? Il est indéniable que pour certains, cette transition va être une régression, qui pourrait les pousser à quitter le navire. Je pense notamment à bon nombre de développeurs qui appréciaient les Mac pour leur compatibilité avec « tous » les OS et leur côté très pratique pour travailler avec certains outils comme Docker, et à qui Microsoft fait des appels du pied depuis quelques temps, avec le développement de WSL.
Mais pour d’autres, cette transition pourrait au contraire rendre le Mac encore plus attractif. Le grand public se préoccupe en effet assez peu de l’ouverture, de la réparabilité, mais bien plus du design et de l’autonomie… Voire même du prix, puisque cette intégration plus poussée pourrait permettre à Apple de réduire grandement ses coûts de production, et ainsi de vendre des Mac moins cher sans pour autant sacrifier la sacro-sainte marge. Quand aux performances, même si ces nouvelles puces ne feront pas forcément mieux que les puces Intel, en particulier les plus gros modèles, il ne faut pas oublier que la plupart des usages d’aujourd’hui peuvent être accomplis avec des puces relativement modeste. Le succès des Chromebooks le prouve.
Rendez-vous donc dans quelques années pour faire le bilan de cette transition et voir si avec elle le Mac aura connu un nouvelle âge d’or ou aura passé l’ARM à gauche.
Bonjour,
sans vouloir vous froisser,
« un bon de performances », un bond de performances…
Désolé.
Sinon vos articles et votre œuvre en général sont toujours aussi passionnants.
Au plaisir.
Kelbètmapiké.
Je ne me froisse pas pour si peu. Merci, la faute est corrigée 🙂