Au printemps dernier, des rumeurs annonçaient que Google+ n’était plus en odeur de sainteté auprès des dirigeants de Google, qui souhaitaient arrêter les frais alors que le réseau social de Mountain View peinait toujours à trouver son public. Bien que rien n’ait été confirmé officiellement, la Google I/O semble aller en ce sens…
En effet, durant la keynote d’ouverture de la conférence, Google+ a surtout brillé par son absence. Et pourtant, les annonces de nouveautés n’ont pas manqué durant cette keynote ! Mais absolument toutes ces annonces concernaient Android, directement ou indirectement. Signe d’un recentrage de Google autour de son OS ?
C’est clairement l’impression qui en ressort. Avec plus d’un milliard d’utilisateurs actifs, Android est le plus gros succès de Google (en dehors bien sûr du moteur de recherche lui même), et la firme veut clairement capitaliser dessus en élargissant encore ce marché, vers l’automobile, les montres, l’entrée de gamme… Personne n’y échappera.
Parmi les annonces, il y en a quelques unes qui méritent à mon avis qu’on y accorde un peu plus d’attention, car elles pourraient préfigurer des annonces futures. La première est l’arrivée des applications Android sur Chrome OS.
Depuis que Google a lancé Chrome OS, je me suis toujours posé cette question toute simple : pourquoi ? Oui, pourquoi ? Avec Android, Google avait un mobile complet, alors pourquoi avoir fait un nouvel destiné aux ordinateurs portable ? On peut désormais se dire que Google se pose aussi la question et pourrait à terme fusionner les deux systèmes en un seul… Les deux systèmes partageaient déjà un noyau commun (le noyau Linux) et ne différaient en fait que par leur interface graphique et leurs API. L’API de Chrome OS est une API web dérivée de Chrome, qu’on retrouve aussi sous Android, tandis que l’arrivée des applications Android sous Chrome OS démontre que l’API Android a été intégrée dans Chrome OS. Alors, que reste-t-il pour différencier les deux systèmes ? Une interface graphique a fenêtre et pensée pour la clavier/trackpad d’un côté, une interface graphique sans fenêtres et pensée pour le tactile de l’autre… La fusion n’est probablement pas bien loin, ce qui pourrait au passage relancer l’intérêt des tablettes Android hybrides, comme les Transformer d’Asus, aujourd’hui mises à mal par leurs petites sœurs sous Windows 8.
La seconde nouvelle importante est le réchauffement des relations entre Samsung et Google. Il y a quelques mois, en lançant ses montres Gear 2 sous Tizen puis en diffusant une mise à jour remplaçant Android par Tizen sur les Gear 1 alors que Google venait d’annoncer Android Wear, on pouvait imaginer que le divorce était consommé entre Samsung et Google et que le remplacement progressif d’Android par Tizen dans tous les produits Samsung n’était plus qu’une question de temps, à la seule condition que la clientèle suive. Mais la Google I/O a remis Samsung au premier plan.
D’abord, parce que le Coréen est finalement aussi de la partie pour la commercialisation de montres sous Android Wear, avec sa Gear Live, annoncée durant la keynote. Une montre qui en plus a de bonnes chances de connaître plus de succès que ses grandes sœurs sous Tizen : la Gear Live peut fonctionner avec n’importe quel smartphone Android, alors que les Gear 1 et 2 ne fonctionnent qu’avec certains smartphones Samsung, et elle pourra bénéficier de toute la logithèques Android Wear au lieu de se limiter aux applications spécifiquement développées pour les Gear.
Ensuite, parce que Samsung est désormais plus que jamais un partenaire privilégié de Google pour le développement d’Android. Google a beaucoup insisté sur le renforcement de la sécurité d’Android, et l’une des fonctions de sécurité majeure d’Android L a été contribuée au projet par Samsung : la gestion de deux environnements (pro et perso) sur une même instance d’Android.
Samsung avait en effet déjà développé cette fonction pour ses propres smartphones, sous le nom de Samsung Knox, et ces développements ont été repris comme base pour Android L. Il s’agit là d’une fonction qui pourrait devenir vraiment stratégique pour Google dans les prochaines années, pour augmenter le taux de pénétration d’Android en entreprise et le fait que Samsung et Google travaillent main dans la main a son développement montre assez clairement que les deux entreprises se considèrent encore comme des partenaires, et non comme des concurrents.
Enfin, le troisième point important est la volonté de plus en plus affichée de vouloir reprendre le contrôle sur l’écosystème Android. On le sait depuis longtemps, Google en a assez des surcouches constructeurs qui modifient l’expérience utilisateur et voudrait donc les éliminer. Pour ce faire, il déploie plusieurs stratégie depuis environ deux ans : l’abandon progressif des applications AOSP au profit d’applications propriétaires Google que les constructeurs ne peuvent proposer que sur des appareils certifiés, le programme Google Play Edition, la fin de la certification des appareils dotés d’une version trop ancienne d’Android (laissant donc moins de temps aux constructeurs pour développer leur surcouche). Et maintenant, le programme Android One, pour amener sur le marché des smartphones d’entrée de gamme dotés de la dernière version du système, sans surcouche et avec des mises à jour gérées directement par Google…
Avec Android Silver toujours dans les cartons pour le haut de gamme (confirmé à demi mots par David Burke, directeur de l’ingénierie chez Google) et les Nexus qui ne seront pas abandonné (toujours selon David Burke, pour qui il ne serait pas possible de continuer à développer Android sans une plateforme matérielle de référence), il sera bientôt possible d’acquérir des smartphones Android sans surcouche dans toutes les gammes de prix et avec bien plus de choix qu’aujourd’hui. Restera alors à voir si le public adhérera à ces appareils sans surcouche, ou préférera continuer à utiliser des modèles avec surcouche…
Quand à Google+, peut-être que Google s’y intéressera de nouveau une fois que tous ces nouveaux chantiers autour d’Android auront bien avancé, mais rien n’est moins sûr… Rappelons que le responsable de Google+ n’a toujours pas été remplacé depuis sa démission…