Alors que le débat sur la neutralité du net revient régulièrement sur le tapis, comme par exemple suite à l’ « AdGate » de Free, Neelie Kroes, commissaire européenne vient de tenir des propos allant dans une direction opposée à la neutralité. Une position surprenante de la part de la commissaire, qui jusqu’à présent a souvent émis des avis allant nettement en faveur du consommateur plutôt que des intérêts des industriels…
Ainsi, si elle rappelle que l’intérêt public doit fixer des limites aux contrats des opérateurs Internet, ce même intérêt public « ne s’oppose cependant pas à ce que les consommateurs s’abonnent à des offres internet limitées, plus différenciées, éventuellement pour un prix moins élevé » . En d’autres terme, la commissaire ne s’oppose pas à ce que les fournisseurs d’accès Internet diversifient leurs offres non plus sur des services additionnels, comme ils le font aujourd’hui, mais bien sur les contenus Internet auxquels l’abonnement donne accès.
On pourrait ainsi envisager qu’un opérateur propose un abonnement de base à 20€ avec un accès restreint aux sites peu gourmands en bande passante, et des options pour accéder aux sites plus gourmands. Tout comme on a aujourd’hui des bouquets de chaîne TV, on pourrait donc avoir par exemple une option streaming musical (Spotify, Deezer…) à 5€, une option streaming vidéo (YouTube, Dailymotion…) à 10€, une option jeux vidéos (Steam, Origin, Xbox Live) à 5€, etc…
Neelie Kroes précise quand même qu’elle n’accepterait de tels filtrages que si les restrictions sont mentionnées clairement dans les contrats et qu’une « option réaliste » permet de lever toutes les limitations.
De telles solutions pourraient avoir un point positif, en permettant un accès aux services de base à coût réduit pour les bourses les plus modestes, mais c’est bien tout, car outre les surcoûts pour les gros consommateurs, de telles offres pourraient largement favoriser les plus gros fournisseurs de contenus, limitant ainsi la concurrence et la diversité, ce qui peut difficilement être vu comme une bonne chose… En effet, les acteurs qui en ont les moyens, comme Google ou Facebook, pourraient être tentés de payer directement les fournisseurs d’accès (ce que ces derniers, Free en tête, réclament depuis un bout de temps…) pour que leurs services soient intégrés aux offres de base, privant ainsi leurs concurrents d’un précieux trafic : qui paierait un supplément sur son abonnement pour pouvoir accéder à DailyMotion ou Vimeo si YouTube est inclus dans l’offre de base ?
L’histoire se répète quand l’imprimerie est devenue un danger pour l’ancien régime celui-ci a développé la censure. La fin de la neutralité c’est l’assurance d’une offre limitée aux entreprises et donc d’un filtrage et d’un contrôle complet du web. Ce genre de solution n’a pas empêché l’effondrement de l’ancien régime.